/Les Panthères Noires \\\ Extrait Des Axiomes Démasqués \

Extrait Des
Axiomes
Démasqués
\\\
Paru En
2014\2015
/Textes Bizarres.
& Horreur \

Les panthères noires \\\ « Viens pas me faire croire que je suis celui que tu crois. » /M/M était du genre à penser ainsi. Sans doute pour voiler une tendresse indéfaisable qu’il ne cessait de rejeter dans les espaces sacrés et tabous des jardins secrets, évidement clos. Faut-il aller chercher dans les entrailles de sa race, pour savoir quel rapport on a aux autres, ou la quête d’identité est-elle une recherche de lumière ? Qu’importe. /M/M ne se préoccupait pas du lendemain, occupé qu’il était à se laisser vivre, bercé par des cajoleries qui l’aveuglaient sur l’excroissance de sa négligence. « Si les autres ont un secret, ça les regarde, et mieux vaut ne pas chercher à le connaître. » Ça faisait déjà un moment qu’il était au chômage, s’attelant un jour, et un autre, à la mise en place de cette ONG, à laquelle on l’avait invité à participer, en tant que membre fondateur, sans qu’il ne sache vraiment si ce projet était vraiment fait pour lui, ni s’il avait intérêt à s’y impliquer jusqu’au bout, ou à s’y sentir concerné. Promouvoir la culture traditionnelle par des œuvres artistiques, pourquoi pas, mais les bonnes intentions 95 suffisent-elles à esquiver les dalles marbrées et glissantes de l’enfer gravé au cul béant ? Le temps qu’il lui restât de libre, il le passait à s’enivrer d’hallucinogène, encore permis sur le territoire à ce moment-là, naviguant ci et là entre des pensées, et des mondes, qui ne souffraient pas de lui apparaître comme inoffensifs. La déconnexion avec la réalité se répandit sans crier gare, et les moments d’euphories eurent tôt fait de laisser place à des rencontres des plus terribles. Un jour que le soleil avait fait naître de nouveau, sans qu’on ne sût jamais d’où venait sa lumière, /M/M, trop impatient de ne voir venir ce que la vie lui réservait, s’engagea dans une nouvelle prise de substance à vision, provenant des plus insolite des terroirs. Il passa la journée à penser qu’il en apprenait des choses, des plus subtiles et des plus philosophiques, se voyant tour à tour génie, penseur, théoricien alerte, orateur insubmersible, capable de proposer toutes les solutions à l’humanité. La journée passa vite, un peu trop peut-être… pour que cela ne soit pas inhabituel. Il n’avait presque rien vu en comparaison de ce qu’il voyait de coutume, et commençait à s’en inquiéter. Il allait être rassasié pour longtemps. 96 Le soir se manifesta très vite, et la lune apparut pleine pour de bon. C’est à ce moment que, étourdi, /M/M commença à voir des chats noirs apparaître dans sa maison. « Voilà qui est de mauvaise augure ». « Que se passe-t-il ? » « Qu’est-ce que c’est que ça… ». « Merde, j’espère que ça va passer… » Les chats apparurent ici et là, miaulant, se trémoussant, semblant vanter les gouttières… et très vite l’atmosphère se changea en théâtre concret et inquiétant, en réalité absurde et nauséabonde. /M/M se ressaisit, pris une grande respiration, autant qu’il le pût, et chercha à garder son calme, et à tranquilliser ses pensées. Rien n’y fit. Le bordel était né. Les « chats » commencèrent à s’agiter et à prendre une forme de plus en plus conséquente. Les sons et les sens perdirent de leur signification, l’orientation des instants s’écoulant bascula, et les chats arborèrent déjà des canines solides prêtent à trancher la chair humaine. – « Monsieur /M/M, nous vous surveillons depuis longtemps, voyez-vous ce qui arrive quand on ose défier les grands pontes de ce 97 domaine. Qui vous a amené ici ? Qui vous a instruit ? – Je sais qui vous êtes… – Ça nous le savons, mais il y a bien pire à venir… vous allez avoir affaire à nous… » Voilà qu’il entendait des voix maintenant… Assurément ce monde ne venait pas de lui, il semblait cependant y avoir mis les pieds. Qu’allaient-ils faire maintenant …? Ces voix qui paraissaient venir de personnages mystérieux dont la réalité n’avait pas à être prouvée, se firent de plus en plus menaçantes. Les sombres félins, de plus en plus robustes poussèrent des cris stridents, réclamant l’accès à sa chair. /M/M se réfugia dans la cuisine, apparemment plus calme que le salon, plus éclairée aussi. Mais les paroles de prières qu’il y prononça ne semblèrent pas faire grand effet. L’ambiance devint insupportable. /M/M décida, affolé, de quitter son appartement dont il claqua la porte sans y introduire la clé. Il descendit les escaliers de l’immeuble tant bien que mal, titubant, hésitant, étourdi, manquant de se casser la gueule, et de tomber une dernière fois. Voilà qu’il était fait. Le piège venait de fleurir, et les ronces mortelles réclamaient la litanie du sang. La mort n’était plus théorique, mais bel et bien réelle. Elle lui rendait visite. Elle exigeait son 98 dû. Un prix carnassier. Une embuscade sauvage. Tout alla très vite. Les félins devinrent des panthères, et leur soif de massacre inextinguible agita en elles la certitude acquise de la folie meurtrière. /M/M se mit à courir à toute vitesse dans la rue, pieds nus, oublieux qu’il avait été de porter ses chaussures, et la plante de ceux-ci bientôt égratignée par le goudron du sol de la route nocturne, il fuyait maintenant devant une armée de myriades de carnassiers désireux de son hémoglobine. Que penser d’autre sinon que sa fin était venue ? Que penser sinon que les erreurs se rencontrent vite sur le chemin des vœux inassouvis, et qu’il faut s’en tenir aux choix précis que l’on fait, sans prendre en considérations les commentaires ironiques des autres ? Que penser sinon que les amours perdus sont le fruit de l’impossible parfum des chemins qui se croisent sans entrevue possible ? /M/M se débattait maintenant face à des créatures qui ne voulaient que l’achever, les griffes acérées, la brutalité absconse, primaire et sans bornes, guidées par un sens de la destruction nihiliste. L’amour du prochain tel qu’il l’avait connu ne fut d’aucune utilité ici. Son aura charnelle ne fit qu’attiser le goût de la déchirure chez ses nouvelles ennemies, et il comprit, bientôt, qu’une main tendue n’est jamais une affaire d’étreinte. 99 – « Voilà, vous voyez maintenant Monsieur /M/M ! Il ne faut plus nous parler de sentiments ! Comment allez-vous faire maintenant ? – J’irai jusqu’au bout de ma foi, je n’ai pas peur. – Savez-vous seulement de quoi il s’agit ? Penser vous que vous pouvez vous en sortir seul ? » À quoi bon répondre. Qui a vu son maître en amour finit dans la tombe. La peur avait montré son vrai visage, et, malgré son calme, il devait maintenant l’affronter. Une question n’est pas forcément une demande d’explication. Les explications n’en valent pas forcément la peine. Voilà les équations de la cruauté charnelle. Qu’est-ce qui est nécessaire ? Connaître l’origine de ce qui nous choque, pour les uns, mais pas pour les autres ? Une tache ne part pas facilement au lavage, tant que les bons comptes ne sont mis à plats. Les questions de volupté finissent toujours par des règlements de compte quand on ne sait rester à sa place… La trahison est vite venue, elle ne veut pas qu’on dise qui elle est, elle exige réparation pour affront à sa stratégie opaque de la liberté. Les panthères noires, elles n’aiment pas qu’on prononce leurs noms. Ni qu’on cherche à savoir ce qu’il en est. De nom elles n’en ont pas. Elles 100 tuent pour qu’on se taise. La vue de ce qui paraît beau n’est pas un cadeau. Un regard n’est raffiné s’il n’est que convoitise. Il vaut mieux avoir les yeux fermés ou fermer les yeux. Maintenant elles voulaient faire de lui l’une des leur. La virilité mise en défi, /M/M ne sût plus quoi dire, et dû bientôt combattre pour sa dignité plus que pour sa survie. Devenir horrible après des années de bons et loyaux services à l’école du romantisme ne laissait pas présager une fin si atroce. Tout perdre y compris sa morale pour une vie qu’on n’a pas connue. A côté de quoi peut-on passer ? Rien ! Y a-t-il seulement un piège ? Les panthères ! Noires ! Noires comme quoi ? Noir/e/s comme qui… ? Nègre n’est pas noir. Et noires n’est pas Nègre… Faire le travail à la place des autres n’est ni facile ni conseillé. Se saisir d’une hache pour se défendre est le moins qu’on puisse faire, aussi horrifié que l’on soit face à la grâce terrible qui n’a plus de beauté. Il frappa autant que possible et elles ne firent que renaître. Impossible d’en finir, ces créatures n’avaient pas froid aux yeux. Elles les avaient écarlates. Rouges de sang brut. Sans pitié, ni humanité, prêtes à tout. Le combat était perdu. Il décida de jouer au jeu de l’impossible. Comment montrer que l’on aime quand cela est défendu ? 101 Comment ne pas faire preuve de compassion face à tant d’horreur ? Comment ne pas mourir en en faisant preuve ? Il dû faire ce qu’il ne faut pas faire tout en ne le faisant pas. Se moquer du monde, et ne pas faire cas de peu. – «Regardez-le ! C’est un novice et il les domine ! – Il les prend par derrière, prenez en de la graine ! – Comment peut-on faire une chose pareille ? – Est-ce qu’il se moque de nous ? – Non il semblerait qu’il sache de quoi il parle ! » On peut devenir une fleur si l’on n’a à être saisie. Sinon le péril est à l’œuvre. Être une créature sauvage mène à la perte de tout repère. Seule la lumière peut guider les autres. Les panthères commencèrent à se calmer. /M/M se senti enveloppé d’un voile protecteur. Bientôt une sphère de lumière apparut autour de lui. Il diffusa ses effluves et ses rayons sur les félins qui reculèrent et redevinrent des chats, presque dociles. Alignés en rang, ils furent bientôt transformés en créature dorées, scintillantes de particules épanouies. Désormais silencieuses, les créatures ne furent non plus avide de cœur et de veines, mais de l’éclat éblouissant d’un astre conquis 102 par la discipline. Qu’a-t-on besoin de voir pour savoir à qui on a à faire ? Le salut n’est jamais loin quand on sait persister dans son dû, celui qui n’est donné, ni pris, ni adjugé, ni vendu. /M/M demeura debout, les bras le long du corps, les mains ouvertes, le visage baissé, les yeux mi-clos, devant ces chatons qui venaient se brûler au feu lumineux de cette nouvelle aura, un à un, pour s’évanouir dans l’atmosphère dégagée de la nuit. Une voiture de police arriva bientôt au niveau de /M/M qui était resté statique sur le trottoir. Deux agents se trouvaient à l’intérieur. Ils l’interpellèrent par quelques mots. – « Bonsoir Monsieur, comment allez-vous ? Vous allez bien ? – Oui ça va, répondit-il en les regardant à peine. – Que faites-vous ici ? Vous avez besoin d’aide ? – Non, ne vous inquiétez pas. Je rentre bientôt à la maison. – Non, venez monsieur, venez ne vous inquiétez pas. On va vous aidez… » La suite des événements s’annonçait mal. Les deux policiers lui mirent rapidement les menottes aux poignets, et l’installèrent à l’arrière de la voiture. 103 Arrivé au commissariat, ils réglèrent des affaires administratives, puis le conduisirent à l’hôpital le plus proche. Là un médecin interrogea /M/M sur son état, cherchant à comprendre ce qu’il ressentait, et ce qu’il percevait. Face à son comportement austère et glacial, /M/M demeura silencieux puis ajouta : « Ce n’est pas bien ce que vous faîtes. » Le médecin le regarda froidement, puis se retira de la pièce. Peu de temps après, des infirmiers débarquèrent une seringue gigantesque à la main, attachant /M/M sur le lit, après lui avoir injecté un liquide inconnu. Le lendemain, /M/M se réveilla dans une chambre close aux fenêtres condamnées par des barreaux, avec vue sur petit jardin gris et abandonné. Il était vêtu d’une robe de chambre jetable et la porte était hermétiquement fermée. Il se demanda ce qu’il faisait dans ce lieu qu’il identifia difficilement, et qui lui parut relever d’un autre monde. La nuit de sommeil avait été impénétrable, et les souvenirs de la veille, pourtant cruciaux et coriaces, parurent extrêmement diffus. Des infirmières lui apportèrent un petit déjeuner, puis lorsqu’il eut finit, un groupe de médecins intégralement vêtus de blanc vînt lui rendre 104 visite, d’abord silencieux, puis fermement inquisiteurs… – « Bonjour Monsieur /M/M. Comment allez-vous ce matin ? […] Que vous est-il arrivé exactement ? Nous vous écoutons. – C’est assez particulier. Plutôt difficile à expliquer. – Comment ça ? Expliquez-nous, expliquez-nous ! – Avec tout le respect que je vous dois, il n’est pas certain que vous puissiez comprendre. – Comment ça ? Expliquez-nous ! Nous vous écoutons. – Je préfère ne pas avoir à m’expliquer… Dites-moi pourquoi je suis ici… – Bon ! Ça suffit ! Ça suffit ! Expliquez- nous maintenant ! Ça suffit ! On veut des explications, on ne joue plus ! – OK. J’ai vu des panthères noires. – Des panthères noires ? – J’ai été poursuivi par des panthères noires dans la rue. – Monsieur /M/M, nous respectons vos croyances. Mais il nous semble que quelque chose nous échappe. Reposez- vous, nous discuterons de tout cela plus tard. Nous allons éclaircir la situation. Avec votre aide, ça va devenir plus clair. 105 Des années plus tard un infirmier croisé par hasard dit à /M/M, qui, lui, ne le reconnu pas, qu’il était arrivé dans cette chambre dans un état inquiétant, le corps, et surtout les pieds ensanglantés. Tous s’étaient inquiétés pour lui. /M/M fut surpris et remercia l’infirmier pour son amicalité. L’impossible, et ses équations, font tellement mal, qu’à la fin on ne ressent plus rien. Afin que l’affection n’ait rien à voir avec la souffrance… peut-être… un jour. Ce qui importe dans un conte, ce n’est pas que les faits soient avérés, c’est la moralité qu’on en tire. Quelle que soit l’alinéarité du Temps… À mes milles et une nuit de terreur À la lumière, qui vient vers nous, dès l’aube du jour. À la douceur, des versets saints, qui portent secours… À la fraîcheur alizée, qui pointe avant l’Heure ! 106 107 108 Les Panthères Noires 109 110

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