Sur La Colline \\\ Extrait Des Axiomes Démasqués \\\

Extrait Des Axiomes
Démasqués \\\
Défi À La
Psychanalyse \

Sur la colline \\\ Tant d’enfants jouent et s’amusent dans cette gigantesque cour de récréation, et moi, comme un vieux sage de cinq ans, qui ne sait pas qui il est, je me demande ce que je fais ici. Oui, c’est vrai. Qu’est-ce que je fous ici ? A me parler à moi-même. A écouter cette voix silencieuse, discrète et amie, toute intime, toute bienveillante, qui jamais n’eut à se présenter pour que je la reconnu ? J’aurais bien voulu qu’une voix me parle, lorsque je fus en haut de la colline… pour comprendre le peu, l’insignifiant, l’improbable que j’eus à faire, pour prouver que j’avais compris. Mais qu’est-ce que comprendre ? Et surtout, qu’est-ce que comprendre pour un enfant de cinq ans ? A la bonne heure ! Quelqu’un a-t-il une réponse à me proposer ? A-t-on souvent vu un enfant sonder si longtemps le silence ? Écouter le rythme de sa vie, à travers son corps comme l’écho inviolable de dimensions lointaines ? A-t-on vu un enfant se dire : « Qu’est-ce je fous ici ? C’est même pas sûr que ce soit pour moi que je sois venu ! Qu’est-ce que je fous ici ? Si j’avais su que c’était comme ça je ne serais pas venu ! » Drôle de réflexion. On ne peut dire mieux. Mais, 9 après tout, que sait-on de ce que les enfants savent ? Et moi, enfant, n’en ai-je seulement jamais été un ? Qui sont les enfants ? Ce monde est-il un monde pour eux ? Un enfant pourrait il y vivre ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je sais qu’à ce moment-là, je vivais dans un silence plus grand que moi-même, plus grand que le monde… Un silence grand comme un continent, que nul n’aurait jamais osé explorer. Tous mes camarades courraient, sautaient, criaient, pleurait, hurlaient. Et moi, assis sur ce banc d’école à l’architecture démesurée de grande banlieue, je regardais le béton comme on regarde les événements se jouer dans les grands espaces vert émeraude. Je me taisais. Une fois ne fus pas coutume, je décidai de me faire entendre. Oui. Pourquoi devais-je rester assis sur un banc à part, au loin de tous, alors que les plus avertis de mes coreligionnaires, avaient su, en ce tout début de matinée, se jeter avec avidité sur les trottinettes, pour arpenter gaillardement un terrible bitume si riche en surprises ? Moi aussi je voulais une trottinette ! Moi aussi ! Après tout quoi de plus normal pour un enfant de vouloir faire comme les autres ? Mince alors ! Ok ! Je me levai, pris mon courage à deux mains, puis marchai droit vers une des monitrices, animatrice, de l’école maternelle, et lui demandai pourquoi je ne 10 pouvais jamais jouer à la trottinette comme tout le monde, à l’ouverture, en si bon matin. « Pourquoi ? C’est les premiers servis qui ont une trottinette ! Tu n’as qu’à être plus rapide. La prochaine fois tu le sauras ! », me lança-t- elle en guise de réponse. « Ah bon ? Et pourquoi on ne prendrait pas les trottinettes à tour de rôle ? Comme ça tout le monde pourrait jouer ! » Je me crus malin. Elle n’eut sans doute pas apprécié, car elle me répondit : « Eh puis quoi encore ! Débrouille-toi ! Pleure ça te fera du bien ! » Eh bien, j’eus du mal à penser, à ce moment-là, que je n’eus pas été un garçon de cinq ans, un peu différent des autres ! Leur parlait-on ainsi ? Ok. Puisque c’est la loi du plus fort, allons prendre ce qui nous est dû ! Je me dirigeai vers un camarade, et lui ordonnai presque de me donner sa trottinette, ou du moins pensai-je, celle qu’il avait empruntée, sous peine d’avoir affaire à l’animatrice. Celle-ci, qui avait des yeux d’aigle, et une ouïe de baleine, ne manqua pas de se faire respecter. A une distance qui me sembla s’évaluer à des kilomètres, et à des miles, elle entendit mes paroles, et son sang ne fit qu’un tour. « Quoi ?! Comment ça ?! Et puis quoi encore ! Je n’ai jamais dit que quiconque devait te donner sa trottinette ! Retourne où tu étais ! Pleure ! Ça te fera du bien ! » 11 Ok. OK !… ok. Bon. Je ne suis pas un enfant comme les autres. Disons que je suis un peu spécial. Je m’en suis bien rendu compte, ce jour, ou cela m’a pris, d’aller aux toilettes, au moment où personne ne semblait vouloir se soulager. Il me sembla bien être seul. Face à cet urinoir. Un urinoir, c’est bien fait pour les garçons n’est-ce pas ? Cela ne m’empêcha pas de constater qu’à côté de moi, se trouvait une petite fille. Elle avait sans doute mon âge, mais ce qui m’étonna le plus, c’est que je la voyais pour la première fois. Que dis-je, ce qui m’étonna le plus, c’est qu’elle faisait pipi debout, comme les garçons, à côté de moi, au lieu de s’être rendu dans un des « vestibules » destiné à son sexe, si cette notion a quelque sens pour les enfants de cet âge… Sans réfléchir, je la questionnai aussitôt : – « Tu fais pipi debout comme les garçons ? – Oui ! Tu sais pas comment c’est ? – Non ? Comment c’est quoi ? – Tu veux que je te montre ? – Oui…. Mais… – Allez viens ! Viens ! Viens j’te dis ! Viens ! Je vais tout t’expliquer… Elle me prit par la main, et de son regard malicieux et complice, me fis signe de me taire. Fasciné, je semblai résister, mais tout en moi aspirait à aller vers elle, et à me laisser guider 12 vers un monde inconnu, dont nous semblions être les seuls à soupçonner l’existence. « Comment c’est quoi ? » Ma parole ! Comment peut-on être aussi innocent ? Comment c’est quoi, quoi, quoi… quoi, quoi, quoi… coin, coin, coin… coin, coin, coin… Ouais ! Le vilain petit canard que j’étais n’était pas si idiot que ça apparemment. Comment être aussi innocent, ou comment faire croire qu’on ne comprend pas ! Pour obtenir quoi ? La solution d’une énigme ? Une énigme qu’il valait mieux ne pas résoudre peut être ? Elle était étrange cette petite fille. Elle avait l’allure d’un félin. Brun. Elle était brune, les yeux pétillants de la lucidité d’un autre monde. Les cheveux courts. Et au fur et à mesure qu’elle m’entraînait avec elle, en me tirant violemment par la main, je semblai percevoir sous l’effet hallucinatoire d’une envie étrange, sa nature de félin sombre aux allures de sentinelle. La situation me paraissait délicate, mais je ne crus pas avoir été aussi heureux depuis le début de ma courte vie, dont je ne voyais pas l’origine. Le monde sembla nous appartenir, et les enfants qui le peuplaient n’existaient plus, ou du moins, pas pour nous. Nous ne les regardions pas, et nous leur étions invisibles. Riant aux éclats, nous tenant par la 13 main, nous courrions à toute vitesse à travers une cour de récréation aux faux semblants de paradis. Nous traversâmes le bac à sable, puis nous arrivâmes devant la butte. « On va monter tout la haut ! » dit-elle. Je la suivis sans rien dire, ne sachant pas trop où j’allais. En haut de la butte, nous pénétrâmes dans les buissons, aux feuillages éternellement verts, et aux fruits si rouges que les adultes déconseillaient formellement d’en manger… Qu’importe. Étions-nous là pour ça ? C’était l’heure de la révélation. Elle me regarda de ses yeux dont je ne savais s’ils étaient bleus ou verts. Elle me regarda de ses yeux, dont la lumière venait de si loin. – « On risque de nous voir ? Dis-je. – Non. Derrière les buissons, on ne craint rien, répondit-elle. Laisse-moi faire, je vais tout t’expliquer. » A la bonne heure. Candide ne dit rien. Candide se contente de regarder. Elle se dévêtit. Pris une posture féline qu’un esprit d’enfant ne peut décrire plus explicitement. De ses gestes, et de sa voix, elle commença une description anatomique précise, qui devait, je m’en doutais à peine, déboucher sur une invitation. Elle faisait dos à moi. Et moi, bouche bée, hors du temps, je ne 14 savais que dire, je constatais ce que je n’avais jamais vu auparavant : la différence sexuelle. Je n’aurais pas cru qu’on en apprenait autant derrière les buissons aux fruits rouges, en haut des collines, là où rien n’existe sinon ceux qui s’y trouvent. Qui peut limiter la compréhension qu’on peut avoir d’une chose, aussi infime soit elle ? Qui peut limiter la compréhension d’un détail ? Mon esprit d’enfant était trop jeune pour assimiler cela. Pourtant il avait été suffisamment éveillé pour arriver jusqu‘ici. Jusqu’ici ? Ou jusque-là. Ou là. Et là aussi. Je ne comprenais pas. J’avais beau vouloir, je ne comprenais pas. Il y avait une limite. Je ne la percevais pas. Je ne la percevais pas encore. Comment on fait ? Ça peut sembler stupide, mais c’est tout de même une question valable, non ? Comment on fait ? C’est dingue ! C’est dingue quoi ? De se poser la question ? Ou bien… de la poser ? Y a de quoi rire. Et le rire est grave. Mais ce n’est pas un ricanement pour autant. Non. Un Candide ne sait pas ce que c’est, un ricanement. Il ne le sait pas. Quand bien même son innocence pourrait sembler risible. Qui est sage ? Qui est sage dans une situation pareille ? Qui peut l’être ? 15 Question à un million de dollars… Le gros lot, c’est pour qui ? Bingo. Ne dit-on pas que ceux qui gagnent au loto deviennent fous ? Oui, je sais. Ce ne sont pas les pensées d’un enfant. Quoique si les enfants peuvent jouer à des jeux pareils, ils doivent bien savoir que leurs parents ne leur achètent pas de quoi remplir le frigo avec les feuilles qui tombent des arbres. A moins qu’ils ne vivent au paradis, vivant d’amour et d’eau fraîche, comme leurs chérubins. Ils le savent, eux, que le paradis ne s’achète pas. Mais ce monde, ce microcosme et ses villes…. Il faut bien y vivre non ? Le sait on quand on est enfant ? Comment on fait ? L’instant parut durer une éternité. Une éternité, ça peut paraître long. Mais ça ne dure qu’un instant, car un instant, c’est le temps d’une décision. Et comprendre ce que je voyais là, impliquait trop de choses. Que j’avais compris, ou perçu, on le sait bien. Mais l’instant s’arrête là où l’on comprend que je n’étais pas censé le faire…. Comprendre ou ne pas comprendre ? Telle est la question. Tel est le destin d’une vie. « Vas-y », qu’elle me dit. « Touche ! » Elle me fit des signes de la main. 16 – « Regardez ! » crièrent des enfants en bas de la colline. « Ils sont montés en haut de la butte ! – Regardez ! Qu’est-ce qu’ils font là-bas ?! – Oh mais qu’est-ce qu’ils font ! – Oui qu’est-ce qu’ils font ?! – Monter sur la butte c’est interdit !!! » C’était fini. Nous eûmes à peine le temps de nous regarder. – « Ils nous ont vus ! On doit partir ! – Oui… » Elle remit ses vêtements. Nous dévalâmes la pente, descendîmes la colline à toute vitesse. Puis nous nous séparâmes, allant chacun de notre côté. Je ne l’ai jamais revue. Pas comme on pourrait l’imaginer en tout cas. Elle était partie au loin… Et moi, je me retrouvais face à l’adulte que mes coreligionnaires en culottes courtes avaient appelé face à ce qui était pour eux, et pour moi aussi, d’une façon différente, la gravité de la situation. L’animateur me fixa d’une mine que je ne saurais décrire. Il y avait dans son visage un mélange d’émotions inexprimables, que nul n’aurait voulu avoir à vivre, et qu’un enfant de cinq ans ne voulait pas avoir à affronter. 17 « Quel genre de phénomène est-ce donc ? » Voilà ce qu’il dû penser. Mais il ne le dit pas. Le silence en cet instant, était trop lourd, pour qu’une quelconque fantaisie puisse avoir une place, en termes de paroles, ou de mots. « – Pourquoi es-tu monté là-haut ? – Euh… euh… on voulait voir ce qu’il y avait derrière les buissons. On voulait voir les buissons de plus près… – Qu’est-ce que vous avez fait là-haut ? – On a cru qu’il se passait quelque chose là- haut, on a voulu regarder… Euh… on voulait savoir ce qui se passait là- haut. – ……» L’animateur resta silencieux. Il me contempla, éberlué et absent, les yeux vides de toute pensée, abasourdi de gravité par ce qu’’il semblait voir. L’instant me parut durer longtemps. « – Tu sais qu’il ne faut pas monter sur la butte n’est-ce pas ? – … Oui, mais on voulait juste savoir ce qui se passait là-haut ! – Monter là-haut, sur la butte, c’est interdit. Ne recommence plus jamais. Tu peux y aller. » Je pris à cœur la recommandation, car le face à face avait assez duré. 18 Je me retrouvai à nouveau seul au milieu de tous, car la fille avait disparue, aussi discrètement qu’elle était apparue. Autant de grâce et d’absurdité réunies en quelques instants terribles valait bien une bonne respiration, et surtout, un retour au concret… du béton de la cour de récréation. Je marchai sans trop savoir où j’allais, convaincu que ce ne serait que nécessairement mieux. Je marchai vers une éclaircie, que seul un original de cinq ans pouvait percevoir et espérer. Le sort n’en avait sûrement pas fini avec moi, car le temps inquantifiable de l’enfance me réservait encore d’autres surprises et étonnements… Mes camarades m’avaient invité à jouer. Avec deux d’entre eux, nous étions devenus complices. L’un était d’origine asiatique, l’autre européenne. L’idée leur vînt un jour de jouer au chat et à la souris, dans sa version la plus intrigante sans doute : la déli-délo. Les filles devaient courir après les garçons, puis les garçons après les filles. La punition choisie, pour ceux qui eurent le malheur de se faire attraper, fut de recevoir un bisou. L’enjeu semblait grand puisque les garçons, que nous étions, se glorifiaient de ne jamais avoir été pris. 19 Le droit de demander un temps mort, en montrant le pouce, nous avait sans doute aidés. La capacité à courir plutôt vite aussi. Les filles se demandaient comment nous faisions. La cour était toujours aussi grande. Et moi je regardais l’une d’entre elles avec interrogation. Elle avait les yeux bleu azur, et les cheveux blonds et bouclés particulièrement longs. Elle riait et semblait rayonner d’une innocence absconse. Si je recevais un baiser de sa part qu’adviendrait-il de moi ? Serais-je condamné à errer dans un autre monde sans savoir s’il existerait une issue pour s’en délivrer ? Serais- je contraint de m’évanouir comme la brise du printemps sans que jamais nul ne sache comment elle est venue ou partie ? Ou bien deviendrais-je un héros comme le béton et le gravier n’en avaient jamais connu ? Connaitre la sensation d’un baiser, se délecter d’en connaitre le goût et la saveur, fussent-ils ceux d’un smack de jardin de briques pour enfants cascadeurs, voilà qui me semblait être un tout nouvel objectif fort intéressant ! Je décidai donc de prendre le risque de ne plus jouer le jeu, ou de jouer autrement, sans jouer réellement, en me faisant attraper, de bonne volonté, pour voir ce qu’il en était, de moi-même, concrètement, sans faux semblants. Alors que la course poursuite se 20 révélait de plus en plus intense, et que les règles du jeu furent susceptibles d’être de moins en moins respectées, je levai le pouce en guise de temps mort et prononçai le mot « statue », comme cela était convenu en pareille situation. Ceci fait, je demeurai immobile, ne bougeant pas d’un cil, ne murmurant pas un mot, regardant les filles virevolter et danser en s’approchant doucement de moi. C’est à cette instant que la môme aux boucles d’or se précipita sur moi, et me gratifia d’un smack humide à souhait, dans le genre déconcertant, brisant la règle du temps mort, pour mon plaisir de la découverte, la joie de rester sans rien dire, le dramatique désarroi d’avoir voulu en savoir trop. La fille et ses amies repartirent aussitôt, et moi, je restai là, tétanisé par une sensation inconnue, me demandant si je me laverai à nouveau le visage un jour, ou si tout être humain normalement constitué, pouvait réellement supporter et assumer, autant de présence de l’autre sur son corps, à travers une salive autre que la sienne. C’était trop. Tellement inattendu que je n’y croyais pas. Que je ne le supportais pas. Un autre monde s’ouvrait à moi, et j’étais incapable de le percevoir. Mes amis, eux, furent plus alertes en termes de réaction, puisqu’ils ne tardèrent 21 pas à exprimer leur choc et leur effroi, à la vue de ce qui venait de se passer. – « Comment as-tu pu te laisser faire pas une fille ! – Oui ! Comment as-tu pu faire ça ! – C’est pas possible ! Comment as-tu pu faire une chose pareille ! – Tu ne seras jamais un homme, tu es maudit ! » Comment des enfants de cet âge purent-ils proférer une telle malédiction, je crois que je ne le compris jamais, mais ce que je sais, c’est qu’à partir de ce jour fatidique, je devins leur souffre-douleur et leur tête de turc. Je n’aurais jamais cru que le goût et le parfum du chocolat et de la vanille, coûtassent aussi cher, dans ce pays révolutionné par la saveur des années quatre-vingt, là où ressemblance et différence étaient faites pour que nous nous entre- connaissions, et que nous découvrions la grâce de rencontrer l’autre. S’en était fait. Le destin était ficelé. En un instant le tour était joué, ma vie avait pris une autre tournure. Comment comprendre une chose pareille ? Comment l’accepter sinon par la force ? Je me mis à pleurer, sans trop savoir quoi dire et sans songer à un futur possible. Qu’avais-je fait pour mériter ça. Ce fut le début d’un long calvaire. D’une vie interminable, où chaque joie se mêle à la peur. Où le savoir ne suffit pas 22 pour trouver une porte de sortie. Où les énigmes insolubles réclament d’avoir toujours le dernier mot. Et quoi donc ! Et quoi encore ! Flipper pour une vaste plaisanterie de l’incompréhension ? Pour la morale acidulée d’un conte trafiqué aux allures de petit banditisme de préau ? Pourquoi ? Pourquoi ça ? Je songeais de nouveau à la petite fille, brune… A ce qu’il fallait faire et ne pas faire… Aux équations de l’impossible contrasté, douce alternative aux accents de terreur qui fait s’éveiller la conscience. En faut-il si peu pour découvrir qui l’on est ? Avoir à faire à si peu est-ce aussi long ? Aussi interminable ? Sans conséquences mineures ? Sans happy end dommageable ? A quoi bon rire quand on veut tout comprendre ! Ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas ne convient pas à tout le monde. Et si l’on ne sait pas faire, faut-il s’arrêter à temps ? Car après tout, est-ce comme cela qu’on traite les petites filles ? En cherchant à tout prix à être un garçon ? Ou en sachant d’instinct qu’on en est un, sans avoir à s’expliquer pour cela, sans avoir à faire de mystères, ni à distiller des conjurations alambiquées, pour ne plus s’en sortir. Là où l’on sait s’arrêter on sait ce qu’on a à faire ! Sinon, c’est que la paix de la lumière n’est pas de ce monde. Le paradis a un prix. Celui de ne 23 pas succomber à l’ignorance. Celui de refuser d’être stupide, quitte à passer pour béta. Est- ce ainsi que l’on doit vivre ? En croyant tout savoir ? En ne doutant pas de ne pouvoir comprendre son propre silence ? Rien n’est bien moins sûr. A moins qu’on ne se soit égaré quelque part… Là où l’âge miroite les âges en labyrinthe, sans qu’aucune direction ne soit donnée. On ne passe pas comme ça d’un monde à un autre, d’une culture à une civilisation, d’un théâtre à un antre de la vérité… On ne le fait pas sans attirer les soupçons, les récriminations, les espoirs des altérités oubliées et raillées, d’être sauvées, elles aussi. Pourquoi prouver son intelligence ? Pourquoi montrer que l’on sait ? Les grandes énigmes, on s’en libère quand on est incapable de les résoudre. Est-ce parce qu’on est hors du coup, qu’on est déçu du pouvoir, réel ou supposé, de participer à la marche du monde ?… Les esclaves des non-dits en savent peut être quelque-chose ! Moi, je suis condamné à être un serviteur. Heureusement que je ne suis pas sage. Heureusement que je ne sais pas comment on fait. De quoi nous accusait-on au juste ? D’avoir fait ce que nous étions capable de faire ? De n’avoir compris ce que nous n’étions capables de comprendre ? Où était le crime ? Qui en était l’auteur ? 24 Oui. C’est certain. Toutes les énigmes ne sont pas faites pour être résolues… Et elles ne sont certainement pas là pour ça. Interdit ? Interdit, quoi donc ? Si nous avions commis un crime, ce que nous n’avions fait, comment pouvaient-ils le savoir ? Eux ! Eux qui étaient censés ne rien voir… Eux, aux regards desquels nous échappions. Être un, être invisible… Même un enfant de cinq sait qu’il a un père, même s’il ne sait pas où il se trouve… Les enjeux sont trop grands pour se réduire à une dissertation. Des années plus tard, à l’occasion d’un échange avec un confident de fine compétence, je me remémorai avec surprise les événements, et je me rendis compte, après avoir découvert celui-ci, que l’animateur éberlué qui m’avait attendu au pied de la colline, de pied ferme, pour quelques explications, portait malgré son silence peu approbateur, le nom de mon ancêtre disparu. 25 26 La Colline 27 Le Buisson 28

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