Aperçu Sur La Folie \\\ Extrait Des Axiomes Démasqués \\\

Aperçu sur la folie \\\ J’aurais dû mourir à vingt ans. D’une balle dans l’dos, ou d’un coup de couteau au passage fleuri de la mort. Mais la vie en voulu autrement. Elle a préféré que j’erre pendant des siècles, à la recherche de la lumière des autres, sans savoir où j’allais, sans savoir d’où je venais, pour ne pas avoir à m’en sortir. Sans qu’on ne puisse prouver mon état civil, avec s’il vous plaît, une carte d’identité en bonne et due forme. Il en va ainsi. Qui suis-je ? «Vos Origines s’il vous plait ! Vous ne venez pas de la lune quand même ?! » Encore heureux. On ne découvre pas aussi facilement qui l’on est, ou peut-être pas assez difficilement. Le contraire, ou le contraste, aurait été de tout avoir pour une bouchée de pain, mais la bouchée de pain, il faut en connaître la valeur, d’abord. La famille, il faut en connaître les mystères, ou les fuir. Les amis, ne pas les attendre, comme on espère un don du Ciel. Manger ? Comment font les oiseaux ? Ils ne s’en préoccupent jamais. Si le Roi existe, Il doit en savoir quelque chose. A-t-Il besoin 137 d’être noble pour rayonner ? Y a-t-il des récits de Son histoire, pour que l’on tente en vain d’imiter l’impossible afin de se perdre à jamais, et de haïr sans justesse l’ensemble des incompris jusqu’à la fin ? Restons humbles ! Tant de secrets à découvrir, tant de vies à sauver en les évitant. Seul je marche dans la rue. Encore étourdi d’une nuit amère. Je ne sais où je navigue. Ni où le vent m’amène. Mon cerveau se trouble. Il ne me sert plus à rien, mais je ne le sais pas encore. J’aperçois ci et là des personnes connues changeant de formes. Je revois les événements sans les comprendre. Sans constater que le mal sévit. Et sans pouvoir l’arrêter. Pourquoi en est-il ainsi ? Il en va ainsi parce que le Jeu de la Vengeance est vertigineux, parce que l’Origine du Mal n’a pas de fin ; parce que le statut de victime est un puits sans fond, qui ne vise qu’à avoir mal au nom des plaisirs indécis et insoupçonnés. Au nom de la chair exquise. Au nom des fruits charnus qu’il serait indécent de ne pas goûter… A moins d’être fou avant l’heure. Pour cause de destin intolérable. Refusé. Trop dangereux pour tout le monde. Le bien des uns vaut bien le malheur de l’autre ! 138 La gourmandise est un vilain défaut, et sans doute pas pour celui qu’on croit. On n’est jamais voulu pour ce que l’on est, mais toujours pour autre chose. Voilà pourquoi l’ingénu sans prix a de l’espoir. Personne ne se souvient de lui. Ce qu’il est, on en veut plus. Ce qu’il n’a pas, on le lui arrache. Ce qui lui tient à cœur, fait pâlir l’Abscons. Et c’est tant mieux. Comment guérir sinon ? Il faut que les mots aient une saveur. Bonne ou mauvaise. Qu’ils aient un goût. Délicieux, subtil, étrange, raffiné, coloré, bizarre, ridicule, cru, cocasse, cuit, assermenté, grillé salé, illégal, parfumé, assaisonné, oublié, parfait, savoureux. Le goût peut prendre toutes les couleurs. Et les goûts et les parfums sont le plaisir de l’aventure que l’on a soi-même créée, sans savoir comment s’en sortir. Sans songer qu’on pourrait en être prisonnier un jour, à son tour, pour vivre le meilleur du pire. La création est le salut des pauvres. Leur don au monde. Leur souvenir dans l’univers. Leur élégance de ne pas en être. De ne pas en toucher une bille. 139 Il n’y pas de moi. Il n’y a que des lumières, vives, timides, prêtes à jaillir comme un seul homme, ou une myriade d’armées, pour le combat, celui de la dernière peur. Et puis, ce qu’il y a, avant toute chose, c’est de la chorégraphie. La danse des oiseaux qui tournoient dans le ciel qui s’évanouit, pour que reste la terre, seule, amie, douce, prête, humble, étincelante de l’accalmie des peintres d’aquarelles virevoltantes, au sein des allées boisées d’un paradis aux chemins pavés de galets sylvestres, pierres océaniques. La folie est l’absence de créateur et de création. L’innocence du cerveau humain qui s’est cru seul à produire le monde. Sans l’aide de quiconque, fût-ce de lui-même. La brume de cervelle à l’allure coquine, éprise de convoitise, sans en avoir l’air, s’invitant, au passage, même reniée et malvenue, pour foutre le bordel à cause de ce qu’elle croit avoir vu. Sûre de ses perceptions, et du sens qu’elle leur donne. Ouais. Qui a vu l’ours, qui a vu l’ours qui a vu l’homme ? L’homme lui-même ne l’a pas vu. Il faut être quelqu’un dans la vie. Et celui qui est quelqu’un n’a jamais besoin de se présenter. Il est déjà connu, sans jamais l’avoir jamais été. Il est le bienvenu au cœur des contrées du 140 sable désertique où rien ne s’achète, sans prix. Il est l’intime abstrus qu’on ne profane jamais. J’avance, je marche, dans la rue, et je ne le vois pas. Non, je ne vois rien. Pourtant, j’y suis happé. Je gravite loin des plus belles ondes, afin de laisser place aux odes les plus discrètes. La solitude éclose, des millions de papillons s’en iront éclairer les airs, sur la mélodie du bon samaritain, qui n’a jamais l’allure du mec bien, mais du mauvais élève perdu au large de l’école de ce qu’il est convenu de faire. « Vos Origines s’il vous plaît ? » Qu’est-ce qu’on en a à foutre ! La question ne peut être que mal venue quand on ne se la pose pas. Quand il n’a jamais été question de se la poser. Il faut assumer son ignorance avant tout. Et laisser la connaissance aux avares de poésie. Le salut passe inaperçu. Il est la réalité des sans voix. Le connu des amnésiques, aux vies parsemées au sein de la vastitude du vent. Réel. Trop Réel. Heureusement que je n’ai rien su. 141 142

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